Quand la technique vous en fait voir de toutes les couleurs

Vous vous sentez l’âme d’un créateur et votre graphiste est « beaucoup trop cher » ? Vous décidez alors de prendre les rênes pour la réalisation de votre nouveau papier entête. En effet, ce n’est pas sorcier de récupérer le logo déjà disponible sur votre site et de l’intégrer dans l’entête de votre fichier Word. Vient alors cette lueur d’espoir dans vos yeux et ce flash de lucidité accompagnés de la réflexion suivante : « Mais pourquoi n’y ont-ils pas pensé avant ?! ». Fier de votre travail, vous en êtes sur, vous avez enfin trouvé une solution efficace, rapide et économique.

couleurs-genie

Arrive enfin le moment d’imprimer votre création, c’est la concrétisation de votre idée de génie et l’assurance d’une économie bien placée. Et là… C’est l’ascenseur émotionnel ! Le résultat n’est franchement pas à la hauteur de vos espérances. Les couleurs ne correspondent pas du tout aux premières réalisations livrées par l’imprimeur. Le super rose fluo qui en jette tellement sur votre écran tire désormais sur un rose pâle, sans parler de tous ces petits carrés qui viennent salir l’image bien léchée de votre identité visuelle.

C’est le moment de redescendre sur terre et de faire un constat ; ce n’est pas parce qu’on monte un meuble ikea qu’on est ébéniste. Et si tout le monde est photographe sur instagram, tout le monde n’est pas graphiste grâce à Office.

Quel est le rôle du graphiste ? Pourquoi ne pas conclure trop vite qu’il ne sert à rien ? C’est ce que je vais tenter de vous expliquer en vous parlant des couleurs.

La colorimétrie

Alors que notre oeil distingue environ 2 millions de couleurs différentes, un écran peut théoriquement en reproduire 16 millions pour 200’000 réellement perçues. Le nombre de couleurs reproduites par une impression dépend de la qualité de l’imprimante et des encres choisies. Un imprimeur peut vous proposer beaucoup plus de nuances qu’une imprimante de bureau, il peut aussi utiliser des encres spéciales fluorescentes ou métallisées.

RVB

L’écran fonctionne sur une base de 3 couleurs primaires qui peuvent reproduire toutes les nuances. Il s’agit du Rouge, du Vert et du Bleu désignés par le terme RVB. Chaque pixel de votre écran possède ces 3 couleurs. Il suffit ensuite de varier et combiner les lumières entre ces 3 couleurs pour reproduire toutes la gamme de couleurs sur votre écran. Il s’agit de la Synthèse additive.

couleurs-RVB

CMJN

Les machines de bureau ou imprimantes numériques fonctionnent sur une base de 4 couleurs primaires. Il s’agit du Cyan, Magenta, Jaune et Noir, désignés par les termes CMJN ou Quadrichromie (quatre couleurs). À l’inverse des écrans qui produisent de la lumière les imprimés en absorbent. On parle alors de la Synthèse soustractive.

couleurs-CMJN

Pantone

Bien que les machines professionnelles ou presses Offset fonctionnent également sur la base des 4 couleurs primaires, les imprimeries offre la possibilité d’utiliser des couleurs spéciales, appelées tons directs, en remplacement ou en supplément des couleurs de base. Il existe des machines capables d’accueillir 6 à 12 couleurs, chaque couleur étant séparée dans un bac.

Les tons directs sont choisis sur des nuanciers comme la gamme Pantone et directement mélangés par le fabricant, ce qui garanti une meilleure qualité à l’impression et une plus grande fiabilité des couleurs entre les différents imprimés.

Interprétation des couleurs

Vous l’avez compris, entre un écran et une impression, les couleurs ne fonctionnent pas sur le même principe. Lorsque vous récupérez l’image de votre logo sur internet pour l’imprimer, c’est votre imprimante qui va interpréter les couleurs et les convertir en passant d’un profil RVB à un profil CMJN.

couleurs-interpretation

Malheureusement, le procédé proposé par votre machine de bureau n’est pas d’une grande fiabilité puisqu’il varie entre les marques et les types d’imprimantes.

La difficulté pourrait se résumer à ça, mais l’informatique en a décidé autrement. Alors qu’un programme professionnel de mise en page comme Indesign est capable de gérer les profils RVB et CMJN, un programme de traitement de texte comme Word ne fonctionne que sur le profil RVB. Le comble pour un outil destiné à imprimer des documents !

En résumé, imprimer une image prise sur internet depuis un outil de traitement de texte revient à suivre une recette de cuisine sans pouvoir maîtriser les ingrédients.

Maîtriser la technique

Tout comme un ébéniste utilise des outils spécifiques pour réaliser de beaux meubles, un graphiste gère les profils colorimétriques au moyen d’outils professionnels. Dès lors, ne lui en voulez pas s’il refuse d’utiliser vos outils « Ikea » ; il souhaite simplement préserver la qualité de votre identité visuelle.

Sans vouloir trop entrer dans les détails, le graphiste s’occupe des couleurs mais aussi de la résolution de vos documents.

Alors qu’on parle de pixels pour la définition d’un écran, on aura tendance à parler de trame pour les imprimés. Dans les deux cas, il s’agit de compter le nombre de « point » sur une surface définie, on appelle cela les dot per inch ou dpi.

pixels-vs-trame

Sur internet, on privilégie la légèreté des fichiers pour un chargement rapide, c’est pourquoi en règle générale des images de 72 dpi offrent un rapport qualité/poids optimal pour un affichage sur un écran, tandis qu’il faut beaucoup plus de points pour une impression de qualité. Généralement, on parle de 110-150 dpi pour des imprimés standard, et de 300 dpi pour des imprimés réalisés chez l’imprimeur.

Conclusion

Si nous revenons à la situation présentée en introduction, imprimer une image à 72 dpi donnera à votre impression un aspect pixellisé et flou. La qualité est mauvaise car la résolution est trop faible. Vous pouvez peut être tricher en réduisant la taille de l’image, ce qui aura comme effet d’augmenter le nombre de point par inch, mais il est primordial de connaître et de savoir gérer ces différents aspects techniques pour éviter les mauvaises surprises.

Nous pouvons résumer cet article au moyen du tableau suivant :

Objet Profil Résolution Poids des images
Image sur le Web RVB 72 dpi Léger
Imprimé standard (bureau) CMJN 100-150 dpi Standard
Imprimé de qualité (imprimeur) CMJN ou Pantone 300 dpi Lourd

 

Qu’il s’agisse du profil colorimétrique, de la résolution ou même du poids des images, seul l’aide d’un professionnel vous permettra de régler ces caractéristiques de manière correcte et précise.

Il ne vous reste plus qu’à définir quelle est votre priorité entre les fausses économies et la qualité, sachant que des solutions raisonnables existent pour soigner votre image sans forcément se ruiner.

Autres articles

Comments

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *